Comprendre le phénomène de sécheresse, l'enjeu de sa gestion et retrouver des outils pour agir... Le collectif ARB vous propose un panorama des connaissances et actions possibles en Centre-Val de Loire.
Cette année, les pluies sont importantes partout sur le territoire ! Les débits des cours d’eau sont élevés. Les conditions de recharge des nappes étant favorables, leur état quantitatif s’est amélioré. Mais tout cela ne doit pas masquer l’importance de gérer durablement la ressource en eau quelque soit la situation météorologique.
Météo n'est pas climat ! Si la météo est pluvieuse, cela ne signifie pas, d'une part, que la sécheresse ne peut pas survenir quelques semaines plus tard et, d'autre part, que les bouleversements du climat vont être ralentis. L'étude Explore 2070 en Centre-Val de Loire prévoit -10 à -40% du débit moyen annuel des cours d’eau d’ici 2070 ; et -25 à -30% de recharge des nappes souterraines d’ici 2070. Alors restons mobilisés pour adapter nos territoires à la sécheresse !
Si on se réfère à la définition de la sécheresse proposée par Eaufrance : "La sécheresse est un événement climatique exceptionnel, mais naturel qui survient à la suite d’une période prolongée sans précipitations, généralement en période estivale. Les milieux aquatiques comme les sols peuvent être affectés par ce manque d’eau temporaire, dont l’intensité est susceptible d’être accentuée par les activités humaines." On distingue ainsi trois grands types de sécheresses :
Le déficit d’eau et des températures élevées sont les principales causes de sécheresse.
En 2020, la sécheresse estivale avait été reconnue catastrophe naturelle pour plusieurs communes du Cher, de l'Indre et du Loiret du fait de son intensité anormale. En 2022, 198 communes d’Indre-et-Loire ont été reconnues en état de calamité agricole pour les pertes de récolte sur fourrage suite à la sécheresse. Et en 2023, 257 communes en région Centre-Val de Loire figuraient sur les arrêtés de catastrophes naturelles sécheresse...
L’enjeu d’aménagement des territoires est donc majeur pour atténuer les impacts du changement climatique et mieux s’adapter aux années futures.
La sécheresse est due au manque de pluie sur une période plus longue que la moyenne.
La recharge naturelle des nappes se fait grâce à la pluie, qui va s'infiltrer dans le sol et rejoindre les eaux souterraines.
Aussi, en cas de précipitations insuffisantes entre octobre et mars, les réserves d'eau ne peuvent pas se reconstituer comme elles devraient pour maintenir un équilibre hydrologique. À partir du printemps et jusqu’à l’automne, même s’il pleut, l’évaporation par la chaleur et l'utilisation par les plantes va capter toute l’eau qui pénètre dans la terre végétale. Cette eau ne descendra alors plus vers la nappe. La nappe, elle, continuera de s’écouler vers les rivières. Plus elle diminuera et plus le débit de la rivière va diminuer (si la nappe devient plus basse que la rivière, c’est alors la rivière qui va « alimenter » la nappe »).
Le changement climatique a des impacts sur le cycle de l’eau (via l’augmentation des températures par exemple) et peut donc rendre les sécheresses plus fréquentes et plus sévères.
Lorsque les prélèvements en eau dus aux activités humaines (pour l’eau potable, l’industrie, l’agriculture) dépassent la quantité d’eau disponible, cela peut également augmenter la fréquence et la sévérité des sécheresses.
Après une période de sécheresse, les sols asséchés ne sont plus en capacité d’absorber correctement les pluies. Plus un sol est sec et moins il absorbera l'eau. Cela favorisera le ruissellement de l'eau et l’érosion du sol, pouvant se traduire par des coulées de boues, des crues, des inondations et des glissements de terrain. De plus, l'eau n'arrivant pas à s'infiltrer dans le sol, elle n’alimentera pas la végétation ni les nappes phréatiques, en tout cas pas dans un premier temps.
Le risque de sécheresse des sols doit être pris en compte car une sécheresse importante du sol est un facteur déclenchant du phénomène de retrait-gonflement des argiles (RGA) : le sol se rétractera lorsqu'il est sec et gonflera quand l'humidité reviendra. La région Centre-Val de Loire est particulièrement sensible à ce phénomène (carte de risque RGA, DREAL CVL), qui va s'amplifier avec le changement climatique.
Tourbières, forêts alluviales, prairies humides… tous ces milieux ont en commun d’être des zones humides. Nombreuses en Centre-Val de Loire, ces zones jouent un rôle important dans l’écosystème ; elles sont un refuge naturel de biodiversité et un atout certain contre la sècheresse. Avec l’arrivée de l’été et des fortes chaleurs, il est important d’en connaître leur rôle et de les préserver.
En périodes de fortes pluies, l’eau sera récupérée puis stockée dans ces zones, formant une véritable éponge permettant le maintien de l’étiage et l’atténuation du dérèglement des microclimats lors de l’arrivée des sècheresses. Cette fonction de réservoir permet également de limiter les crues et les inondations. Espaces de fraîcheur en période estivale, les zones humides abritent une biodiversité foisonnante et ont un rôle de protection de la faune et de la flore locales contre la chaleur. Enfin, elles sont un lieu important de stockage de carbone.
Le Conservatoire d'espaces naturels (Cen) Centre-Val de Loire, en partenariat avec le Forum des Marais Atlantiques (FMA) a constitué une boîte à outils de suivi des milieux humides appelée LigerO. Ce dispositif d’observation des zones humides, déployé sur le bassin de la Loire, permet d’extraire des indicateurs ayant pour objectif le suivi des fonctionnalités de ces milieux et de l’efficacité des travaux de restauration qui y ont été menés. L’outil permet de mettre en place des protocoles pour la préservation de la qualité de l’eau et des milieux aquatiques et de s’assurer ainsi de l’état de conservation de nos zones humides.
L’étiage correspond à la période de l’année où le niveau d’un cours d’eau atteint son point le plus bas (basses eaux).
Ce phénomène est la combinaison de deux facteurs :
Lorsque l’étiage est très prononcé, le cours d’eau peut se retrouver en « assec ». La survenue des assecs peut également être aggravée par des aménagements : rectification des cours d’eau et drainage qui évacuent l’eau trop rapidement, mauvaise gestion des ouvrages en rivière empêchant le passage d’un débit suffisant (« débit réservé »), etc.
L’eau, c’est la vie ! Sans eau, c’est toute la biodiversité qui disparaît. Un poisson ne sait pas nager en dehors de l’eau ! En effet, sous l’effet des changements climatiques et des usages de l’eau, le constat est de plus en plus inquiétant. Des sources se tarissent, des zones humides disparaissent, l’eau dans les retenues des barrages ou des réservoirs s’évapore, le niveau d’eau et le débit des rivières baissent et deviennent insuffisants au maintien de la vie piscicole.
La sécheresse entraîne une diminution drastique des niveaux d’eau qui coupe les rivières, révèle de nombreux ouvrages infranchissables et entrave globalement la continuité écologique. Un brochet par exemple, ne pourra se rendre sur sa zone de reproduction, qui ne sera pas immergée, ou non fonctionnelle au moment opportun. Il ne pourra pas se reproduire et disparaîtra progressivement. Une truite ne résistera pas au réchauffement de la température de l’eau, sa nourriture se fera rare, et l’espèce disparaîtra également. L’impact direct sur cette dernière, est déjà visible sur de nombreuses têtes de bassin, de la vallée de l’Indre ou de la Creuse.
La baisse du niveau d’eau que l’on connaît depuis quelques années, entraîne une détérioration de la qualité de l’eau, par la concentration des polluants et la disparition progressive de l’oxygène dissous, vital aux espèces piscicoles. Cette accumulation favorise le développement de nombreuses bactéries (cyanobactéries) ainsi que des plantes envahissantes.
La sécheresse réduit considérablement la ripisylve, pourtant connu pour filtrer les sédiments et polluants, mais surtout qui permet de diminuer la température de l’eau, par l’ombrage.
Globalement, la sécheresse a des répercussions profondes sur les écosystèmes aquatiques, la biodiversité et les activités humaines qui dépendent de l’eau. Il est essentiel de prendre des mesures pour préserver ces milieux fragiles et assurer leur survie. Pour en savoir plus, découvrez la campagne de la Fédération de pêche « Sauvons nos rivières ! »
Les étés chauds et secs se succèdent et la température augmente en région Centre-Val de Loire. Les précipitations restent stables pour le moment mais moins réparties sur l’année, avec de longs étés arides et des hivers très arrosés.
Ces changements climatiques influent fortement sur la forêt.
Les arbres dépérissent avec les sécheresses successives et l'augmentation des parasites et ravageurs. Leur qualité et leur croissance diminuent ainsi que leur capacité à stocker le carbone. Ce à quoi s'ajoute l'augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes (tempêtes, inondations) et des risques (incendies).
La biodiversité est également touchée par les chaleurs, le manque d'eau et l'altération de l'écosystème forestier. Tout comme les promeneurs qui voient le paysage modifié par des arbres malades ou des coupes sanitaires, et pour qui le risque de chute de branches ou d'arbres morts augmente.
Pour le moment, le dépérissement reste diffus dans la région et touche surtout les parcelles aux sols difficiles. Mais selon les analyses et projections du GIEC les principales essences d'arbres présentes seront menacées en 2070, le climat local se modifiant. Un changement trop rapide pour que nos forêts puissent s'adapter.
Pour lutter contre ces impacts, assurer la production forestière de demain, et maintenir une biodiversité en forêt, des actions voient le jour :
De nombreux massifs forestiers présentent un réseau de fossés drainants afin d'évacuer les excès d'eau temporaires et permettre la gestion forestière. Mais à l’aune du changement climatique, ces drains peuvent accentuer le départ de l'eau du massif et participer à l'assèchement des sols. Aussi, pour faire face aux périodes de sécheresse, redonner son rôle d'éponge au sol forestier peut permettre de lutter contre les phénomènes de dépérissement forestier en limitant le stress hydrique des essences forestières, de favoriser l'alimentation des nappes souterraines, et d’améliorer l’état de la biodiversité endémique des zones humides forestières.
Des actions de restauration de cours d'eau forestiers et neutralisation des drains ont par exemple été expérimentés dans le nord de la Bourgogne, sur le massif de Rumilly-Chaource.
Dès que la température augmente de 1°C, les essences d'arbres migrent de 150 km vers le Nord
(source : Colwett et al, 2008)
Depuis 1995, l’équipe de l’Unité territoriale d’Auberive de l’Office national des forêts a mis en place un projet de sylviculture mélangée à couvert continu (SMCC), afin d’accroître la résilience de ses peuplements face au déficit de pluviométrie et aux périodes de sécheresses.
Cette diversification de la composition du massif a permis de maintenir le rôle de stockage carbone de l’écosystème forestier, de préserver la biodiversité, de stocker une eau de meilleure qualité et de produire du bois de qualité. Ce projet a été primé lors de la 2e édition des Trophées de l’adaptation au changement climatique Life ARTISAN, en juin 2024, dans la catégorie « Adaptation des filières économiques ».
Afin d'éviter les incendies en période de risque, les travaux forestiers et la circulation dans les forêts peuvent être limités, voire interdits.
Le site Info sécheresse en France est un service gratuit d'infos en continu et d'aide à la décision, vous pouvez y retrouver de nombreuses cartes à jour sur :
Vous pouvez observer ces données par départements et par bassins versants.
L'Office français de la biodiversité (OFB) suit le niveau d'écoulement des eaux dans les rivières via l'Observatoire national des étiages (suivi ONDE). Ce réseau permet l'accès à la connaissance et l'aide à la gestion des situations de crise, en fournissant, par territoire, les informations de rivière en assec ou en écoulement visible.
Le site VigiEau permet de s'informer sur les restrictions d'eau en période de sécheresse.
Vous pourrez :
Si un sol nu est très sensible à l'érosion hydrique et à la formation d'une croute de surface, mettre en place un couvert végétal limitera ses phénomènes et protègera le sol.
Alors qu’un sol labouré peut absorber entre 2 et 10 mm d’eau par heure, un sol forestier ou agricole sous couvert peut en absorber 100 à 300mm. C'est notamment grâce aux vers de terre qui, en creusant des galeries, permettent à la pluie de s'infiltrer plus facilement. De plus, un sol riche en matière organique pourra absorber 20% d'eau supplémentaire par rapport à un sol appauvri. (source Aquagir)
Les zones humides, lorsqu’elles sont fonctionnelles, peuvent stocker de l’eau qui peut alors alimenter les nappes phréatiques et les cours d’eau pendant les épisodes de sécheresse, d’où l’importance de les inventorier, de les préserver et de les restaurer.
Les cours d’eau du Centre-Val de Loire ont subi de nombreuses modifications : recalibrage, curage, élargissement… Aussi, la rivière est souvent plus large qu’à l’origine et est déconnectée avec ses milieux humides latéraux. Restaurer l’hydromorphologie des rivières (reméandrage, remise dans le lit d’origine, recharge granulométrique, restauration de la ripisylve) permet de redonner à la rivière ses fonctionnalités et d’être ainsi plus résiliente face à des épisodes de sécheresse.
Favoriser l’infiltration localisée des eaux pluviales : jardins de pluie, arbres de pluie, noues, déconnexion des gouttières, mais aussi désimperméabilisation… participent à la recharge des nappes phréatiques.
De plus, ces milieux vont créer des microclimats localisés, jouer un rôle d'ilots de fraicheur grâce à l'humidité du sol et à l'évapotranspiration des végétaux qui y prennent place.
Afin d'améliorer l'infiltration de l'eau dans le sol, végétalisons !
En favorisant l'infiltration de l'eau de pluie dans le jardin, le sol est maintenu vivant et fonctionnel. Il a un pouvoir de régulation de la chaleur en été, surtout s’il est humide.
L’eau de pluie collectée depuis les gouttières peut être valorisée pour faire pousser de la végétation localement ou pour mieux infiltrer l’eau dans le sol et ainsi le revivifier.
L'eau de pluie, n'en perdons pas une goutte!
Le Loiret en août 2022 @ Laetitia Roger-Perrier
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